Au cœur de la commune urbaine de Kankan, la forêt classée de Brekina, autrefois poumon vert et sanctuaire de biodiversité, agonise sous le poids des agressions humaines. Une visite sur les lieux révèle un spectacle désolant : des monticules d’ordures éparpillés, des sachets plastiques accrochés aux branches comme des trophées macabres, des souches d’arbres fraîchement coupés, des traces de feux illicites et des sols souillés par des hydrocarbures. En périphérie, des garages anarchiques déversent des flots d’huiles moteur usagées, transformant cette zone protégée en une décharge à ciel ouvert.
Pire encore, les toiles de concession érigées dans l’enceinte de la forêt sont systématiquement vandalisées, des vols organisés sous le couvert de la nuit. Une dégradation méthodique, presque industrielle, qui témoigne d’un mépris total pour ce patrimoine naturel.
Interrogé par notre rédaction, le commandant Pema Gropogui, chef de la section des forêts et de la faune à Kankan, dresse un constat accablant :
« Réellement, à se dire les vérités, aujourd’hui la forêt classée de Brekina se trouve dans un état critique. Les causes de cette dégradation ? D’abord, la démographie galopante qui grignote l’espace forestier année après année. Ensuite, l’occupation illégale, aussi bien en périphérie qu’au cœur même de la plantation, les gens pénètrent notamment, malgré nos patrouilles. Nos agents peuvent quadriller la zone deux, trois fois, parfois toute la journée… et ne voir personne. Les exploitants clandestins opèrent dans l’ombre, puis disparaissent. C’est extrêmement difficile pour nous. »
En plein jour, vers 13 heures, notre équipe a pu constater l’ampleur des dérives : des traces de la drogue chanvre indiens, des groupes de jeunes attroupés autour de deals des chanvre indiens et de bouteilles d’alcool, des pratiques illicites qui prospèrent en toute impunité. Sans clôture, sans moyens logistiques suffisants et avec des effectifs squelettiques, les agents des eaux et forêts luttent en vain contre un fléau qui dépasse leurs capacités.
Le commandant Gropogui lance un vibrant plaidoyer, à la fois sombre et porteur d’espoir :
« Nous avons un message fort pour les communautés riveraines : prenez conscience des dégâts que vous causez. Cette forêt n’appartient pas qu’à l’État, elle est vitale pour Kankan. Elle régule les précipitations, préserve les sols, maintient l’équilibre climatique local. Si elle disparaît, les conséquences seront irréversibles. Mais nous en appelons aussi à l’État : nous avons besoin de soutien, de moyens, avant qu’il ne soit trop tard. »
La forêt classée de Brekina, symbole d’une nature martyrisée, attend désormais un sursaut collectif. Entre indifférence et résilience, son sort se joue aujourd’hui. Et le temps presse.
Facely enquêteur Sanoh, journaliste agricole
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