À l’occasion de la célébration du 66ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée, Agri224.com a rencontré M. Khali Kouyaté, coordinateur national de l’Association guinéenne pour la sécurité et la souveraineté alimentaire, et consultant international en analyse des filières agricoles. Dans cet entretien exclusif, il retrace l’évolution du secteur agricole guinéen et propose des pistes de solutions pour l’avenir.
Agri224.com : Bonjour M. Kouyaté et merci de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Khali Kouyaté : Bonjour Agri224.com, c’est un plaisir. Je m’appelle Khali Kouyaté, coordinateur national de l’Association guinéenne pour la sécurité et la souveraineté alimentaire, et consultant international en analyse des filières agricoles.
Agri224.com : Nous célébrons bientôt l’anniversaire de l’indépendance de notre pays. En tant que professionnel du secteur, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’agriculture en Guinée depuis cette époque ?
Khali Kouyaté : Vous me ramenez loin, car si l’on remonte au premier régime, sous Sékou Touré, l’économie était fortement centralisée, y compris dans le secteur agricole. Il est vrai que malgré les difficultés, des résultats notables ont été obtenus, notamment grâce à des politiques axées sur l’autosuffisance alimentaire. À l’époque, les importations de riz étaient limitées à environ 50 000 tonnes, destinées principalement aux zones industrielles comme Boké et Fria. Le reste du pays était alimenté par la production nationale.
Agri224.com : Qu’est-il arrivé après les années 1984, avec l’avènement du libéralisme ?
Khali Kouyaté : Après 1984, les choses ont changé. Nous avons adopté des politiques libérales, qui n’étaient pas mauvaises en soi, mais cette ouverture a compromis la souveraineté alimentaire. Les importations de riz ont explosé et ont envahi le marché, au détriment de la production locale. Si je dois résumer, les politiques agricoles étaient bien pensées, mais leur mise en œuvre a souvent laissé à désirer. Le problème réside principalement dans la gestion, tant au niveau des décideurs que des acteurs du secteur.
Agri224.com : Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par problèmes de mise en œuvre ?
Khali Kouyaté : Les politiques agricoles élaborées dans les années 90, ainsi que les différentes réformes qui ont suivi, étaient en grande partie pertinentes. Cependant, leur application a souffert de la mauvaise gestion et du manque d’engagement de certains acteurs à tous les niveaux. Cela va du ministère de l’Agriculture aux organisations paysannes, en passant par les structures d’encadrement. Beaucoup privilégient leurs intérêts personnels, ce qui a freiné l’atteinte des objectifs de souveraineté alimentaire.
Agri224.com : Quels sont, selon vous, les principaux obstacles actuels au développement du secteur agricole ?
Khali Kouyaté : L’un des plus grands défis actuels est la gestion des intrants agricoles, notamment les engrais. Tant que ce secteur ne sera pas privatisé, comme c’est le cas dans plusieurs pays africains, nous continuerons à rencontrer des problèmes. De nombreux leaders des organisations paysannes se préoccupent davantage de ce qu’ils peuvent tirer des transactions sur les intrants que de leur propre production. Si nous ne réglons pas ce problème, l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires resteront hors de portée.
Agri224.com : Le ministre de l’Agriculture a récemment organisé les États généraux de l’agriculture. Comment évaluez-vous cette initiative ?
Khali Kouyaté : Personnellement, je n’ai pas été invité, ni à Kankan ni à Conakry, ce qui est surprenant étant donné mon expérience dans ce domaine. Je me pose des questions sur les montants investis dans cette organisation, d’autant plus que certaines recommandations ne semblent pas pertinentes. Il serait plus judicieux de consacrer ces ressources à des actions concrètes, comme l’aménagement des terres et l’accompagnement direct des vrais acteurs de terrain.
Agri224.com : Quelles propositions feriez-vous pour améliorer la situation ?
Khali Kouyaté : Les politiques agricoles sont là, et elles sont bonnes. Ce qu’il faut maintenant, c’est placer les bonnes personnes aux postes clés, avec objectivité et sérieux. Les conditions climatiques et écologiques en Guinée sont favorables. Les producteurs sont prêts à travailler, mais l’encadrement général est déficient. Tant que nous ne résolvons pas ce problème, le secteur agricole ne progressera pas comme il le devrait.
Agri224.com : Merci, M. Kouyaté, d’avoir répondu à nos questions.
Khali Kouyaté : Je vous en prie, c’est à moi de vous remercier.
Facely enquêteur Sanoh,
Journaliste agricole
A Kankan
Tel: (+224) 623 56 58 58