Le fleuve Milo, véritable poumon économique et culturel de la Haute-Guinée, prend sa source dans les montagnes de Beyla, en Guinée Forestière. Long de près de 400 kilomètres, il traverse les préfectures de Kérouané, Kankan et Siguiri, avant de rejoindre le fleuve Niger. Jadis source de vie et de prospérité, ce cours d’eau emblématique fait aujourd’hui face à une dégradation inquiétante.
À Kankan, le tableau est alarmant. Les berges du fleuve Milo, autrefois un espace d’échanges et de loisirs, sont désormais jonchées de déchets plastiques, d’ordures ménagères et de vêtements usagés. Les pratiques humaines intensives, notamment la fabrication de briques cuites, la coupe abusive de bois et l’utilisation de produits toxiques par les agriculteurs en amont, ont accentué cette dégradation. Ces activités compromettent gravement la biodiversité et la qualité de l’eau.Face à cette situation, les autorités locales peinent à instaurer des mesures fermes, tandis que l’incivisme des citoyens amplifie le désastre écologique.
Dans un élan d’espoir, le Festival du Fleuve Milo a été initié, avec pour ambition de sensibiliser et d’agir pour la préservation de ce patrimoine naturel. Cette initiative, qui en est à sa troisième édition en 2024, propose des activités culturelles, artistiques et commerciales autour du fleuve. Cependant, les résultats sont loin d’être à la hauteur des attentes.
Ironiquement, le restaurant qui abrite une partie des festivités est lui-même un acteur de la dégradation. Derrière son emplacement, des amas de sachets plastiques et de déchets divers s’accumulent, certains finissant directement dans le fleuve. Cette situation soulève une question légitime : comment un événement censé promouvoir la protection du Milo peut-il se tenir sur un site aussi pollué ?
Pire, les discours et les actions annoncées durant le festival ne se traduisent pas en solutions concrètes. Aucun investissement durable pour restaurer les berges, aucune véritable campagne de sensibilisation en langues locales pour atteindre les populations concernées, et une stratégie de communication quasi inexistante. Ces lacunes renforcent le sentiment de désintérêt de la population pour cette cause pourtant cruciale.
Pour sauver le fleuve Milo, il est impératif de passer des discours aux actions concrètes. Les fonds mobilisés pour les festivités pourraient être réorientés vers des projets de restauration écologique : reboisement des berges, assainissement régulier, et renforcement des mécanismes de contrôle contre les pratiques destructrices.
Par ailleurs, une campagne massive de sensibilisation, adaptée aux réalités locales et menée en langues nationales, pourrait contribuer à un changement de mentalité. Il ne s’agit pas seulement d’assainir pour répondre à des critiques, mais de s’engager dans une dynamique durable, avec la participation active des communautés riveraines.
Le fleuve Milo, ce témoin silencieux de notre histoire, mérite-t-il de disparaître sous le poids de notre indifférence collective, ou allons-nous enfin lui redonner la place qu’il mérite dans nos vies ?
Facely enquêteur Sanoh, Sociologue, Journaliste agricole et éditorialiste.